« Qu’il me soit permis d’avouer que j’ai toujours entretenu quelque défiance à l’endroit des femmes qui s’adonnent à la peinture. La raison en est que rares sont celles qui acceptent de faire de la « Peinture de Femme ». Combien de fois ne me suis-je trouvé confronté à ces « images peintes » où le thème se voulait viril et fort, le dessin, la couleur, le sujet rejetant toute inspiration, toute aspiration émanant du monde de la féminité. Il est indéniable qu’au long des siècles, les grandes figures féminines de la Peinture furent celles qui assumèrent leur condition de femme, Madame Vigée-Lebrun, Berthe Morisot, Marie Laurencin nous le démontrant. Qui peut mieux parler des femmes, de leur monde, de leurs aspirations, si ce n’est une femme.
Cette impudence secrète, cette introspection sans réserve, engourdie en ces songes, cette sensorialité latente, étrangement entretenue, combien d’homme peuvent prétendre en comprendre la source.
Les secrets des femmes nous apparaissent semblables à ces fleurs étranges perdues au sein de quelques mondes lointains, esseulés, émouvantes et belles dans leur inquiétante et parfaite solitude.
Julie Roussin-Bouchard m’apparaît conforme à ce constat. Autodidacte, elle se consacre pleinement à son métier de peinture. L’attitude de ses modèles, l’incidence particulière accordée aux couleurs, à leur répartition sur la toile, relèvent d’une observation tranquille des mondes qui l’environnent.
Tantôt denses et lourdes, tantôt acidulées, ses frondaisons entretiennent autour de graciles présences, une ambiance, un rêve emprunt d’inquiétude et de mélancolie.
Le monde de Julie est à l’image de sa personnalité. Peintre elle l’est, décidée, elle n’aspire qu’à être totalement un peintre femme et pourquoi pas une femme peintre. »
Arnaud d’Hauterives (1933-2018)
Secrétaire Perpétuel de l’Académie des Beaux Arts
Ancien directeur du musée Marmottan